j'ai pas choisi de naître ici.
Je ne veux plus vivre dans la peur.
Chaque jour, j'ai peur, chaque instant est une bouffarde de réflexes, chaque seconde est une peur. J'ai peur de tout, j'ai peur de moi, j'ai peur de toi, j'ai peur des autres, de l'avion, de l'ascenseur, des bruits un peu étranges qu'on croise aux sommets du quotidien, j'ai peur du présent, du passé qui nous rattrape trop vite, tu futur incertain et de ses lendemains délétères.
J'ai peur de ce sommeil qui sait se faire discret, de cette torpeur qui me livre des rêves que je ne devrait pas voir, dans des bons petits paquets, des jolis petits paquets cadeaux à rubans.
Comme on te sert parfois tes envies sur un plateau, moi c'est mes rêves, qu'on me sert, gratuitement, ces amoncellements de répulsion, que sans subtilités, on m'apporte. Et puis alors une mauvaise odeur de naphtaline me sort du royaume maudit, et plus jamais, jamais je ne veux dormir.
Ça tient deux, trois nuits ...
C'est la fatigue, c'est un opium qu'on ne désire pas, ça vous bouffe et vous retourne, vous êtes un cadavre, tout juste vêtu des haillons de la vie qui vous court encore après, la pauvre victime d'un voleur désespéré ... C'est les jambes de béton, les jambes qu'on maudit dans les escaliers, qui vous abandonne ; c'est la maladresse chronique, le teint si pâle, les mains hagardes.
Et puis on ne tient plus, on n'en veut plus, seulement dormir un peu ... Mais Morphée ne veut plus de vous, vous l'avez dégoûté. Il ne veut plus vous donner le sommeil ... Il laisse le travail au dieu des songes, qui vous maudit un peu plus chaque nuit ...
Et puis la peur revient.